A quoi bon soulever des montagnes quand il est si simple de passer par-dessus ?

Boris Vian

Le circuit de Reims‑Gueux

Le circuit de Reims-Gueux : la mémoire vive du “temple de la vitesse”

À quelques kilomètres à l’ouest de Reims, sur les routes paisibles reliant Thillois, Gueux et Muizon, subsistent les vestiges d’un mythe automobile. Le circuit de Reims-Gueux, aujourd’hui silencieux, fut jadis l’un des hauts lieux du sport mécanique mondial. Entre champs de blé et vieilles tribunes, ce tracé fantôme raconte une époque où la course automobile se vivait au cœur des villages, au rythme des moteurs et des passions.

Une légende née des routes ouvertes

Inauguré en 1926, le circuit de Reims-Gueux n’était pas un autodrome fermé, mais un circuit routier triangulaire empruntant des routes publiques. Chaque été, les paysans laissaient place aux pilotes venus du monde entier pour disputer le Grand Prix de la Marne, puis le Grand Prix de France.
Les stands étaient montés pour l’occasion, les bottes de paille remplaçaient les glissières, et la foule s’installait sur les talus, dans une atmosphère à la fois populaire et fiévreuse.

L’âge d’or de la vitesse

Dans les années 1950 et 1960, Reims devient le “Temple de la vitesse à la française”.
Ses longues lignes droites et ses virages rapides favorisent des pointes impressionnantes : en 1954, Juan Manuel Fangio triomphe à plus de 200 km/h de moyenne, un record à l’époque.
Les plus grands — Ascari, Hawthorn, Clark, Hill, Stewart — s’y affrontent dans des duels d’anthologie, sous les yeux de milliers de spectateurs venus vibrer pour la mécanique et le courage.

Un esprit champenois

Reims-Gueux, c’était aussi une ambiance.
Les pilotes logeaient à Reims, les spectateurs pique-niquaient dans les champs, et le champagne coulait après chaque victoire. Loin du glamour millimétré de la Formule 1 moderne, la course ici avait un visage humain : bruit, poussière, convivialité, et un parfum d’aventure.

Le déclin d’un géant

Mais la modernité finit par rattraper le mythe. Dans les années 1970, les exigences de sécurité et le coût de l’entretien deviennent insurmontables. Le circuit ferme définitivement en 1972, laissant derrière lui des infrastructures à l’abandon.
Pourtant, les murs tagués, les tribunes fissurées et la tour de chronométrage continuent de hanter l’imaginaire des passionnés.

Sauvegarde d’un patrimoine mécanique

Depuis les années 2000, l’association Les Amis du Circuit de Gueux s’emploie à restaurer les lieux, tribune après tribune, stand après stand.
Le site, classé monument historique en 2009, renaît peu à peu. Aujourd’hui, il attire photographes, artistes et nostalgiques, fascinés par cette esthétique du temps suspendu, entre ruine industrielle et poésie du bitume.

Une mémoire vivante

Reims-Gueux n’est pas qu’un souvenir de vitesse : c’est un symbole du patrimoine français, celui d’un âge héroïque où la course automobile flirtait avec le danger, la liberté et la beauté brute des machines.
Sous le soleil de Champagne, le vent continue de souffler entre les stands, comme un écho à la gloire passée des bolides qui ont jadis fait trembler la plaine.

Accueil > ©Jesse de Backer/unsplash

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